Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/95

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neau frôla presque le sien. Ce traîneau était attelé d’un magnifique cheval de la race Orloff, sous robe gris de fer, avec une crinière blanche et une de ces queues dont les crins brillent comme des fils d’argent. Contenu par un cocher russe à large barbe, en caftan de drap vert et toque en velours bordée d’astrakan, il s’indignait fièrement sous le frein et steppait en balançant la tête de façon à faire toucher ses genoux par ses naseaux. L’élégance du véhicule, la tenue du cocher, la beauté du cheval, attirèrent l’attention de Guy ; mais que devint-il lorsque dans la femme assise à l’angle du traîneau, et qu’il avait prise d’abord pour une de ces princesses russes qui viennent pendant une ou deux saisons éblouir Paris de leur luxe excentrique, — si Paris peut être ébloui de quelque chose, — il reconnut ou crut reconnaître des traits de ressemblance avec une figure entrevue et désormais inaltérablement gravée au fond de son âme, mais que certes il ne s’attendait pas à rencontrer au bois de Boulogne, après l’avoir vue apparaître, comme Hélène à Faust, dans une sorte de miroir magique ? À cette vue il tressaillit si brusquement que Grymalkin, recevant la commotion nerveuse, en fit un écart. Guy, jetant à Mme  d’Ymbercourt quelques mots d’excuse sur l’impatience de son cheval qu’il ne pouvait maîtriser, se mit à suivre le traîneau, qui lui-même accéléra son allure.

Comme étonnée d’être suivie, la dame tourna