Page:Gautier - Tableaux à la plume, Fasquelle, 1880.djvu/247

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le mollasse, le blaireauté, et toutes ces recherches de soin et de patience qui causent tant d’admiration aux philistins et aux demoiselles. Sur son terrible vernis, tout trait porte, et doit être significatif. Parfois ce trait bavoche et crache comme une plume sur un papier grenu. Tant pis ! À l’eau-forte, une égratignure, un coup dévié valent mieux qu’une reprise. Comme toutes les belles choses, l’eau-forte est à la fois très simple et très difficile ; mais ce qui fait son mérite, c’est qu’elle ne peut mentir. Elle a l’authenticité d’un parafe, car le talent de celui qui la pratique se signe dans chaque taille. Si vous trouvez par hasard quelques-unes des planches qui composent ce recueil un peu trop farouches et truculentes, songez que toute réaction va d’abord aux extrêmes, et que la Société des Aqua-fortistes s’est fondée précisément pour combattre la photographie, la lithographie, l’aqua-tinta, la gravure dont les hachures recroisées ont un point au milieu ; en un mot, le travail régulier, automatique, sans inspiration qui dénature l’idée même de l’artiste, et qu’ils ont voulu dans leurs planches parler directement au public, à leurs risques et périls.

Le succès a prouvé qu’ils n’avaient pas eu tort ; le texte est toujours préférable à la traduction.


Août 1863.