Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/172

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ce miroir, penchant la tète, se faisant des mines, restant en extase et comme ravi de ses propres charmes. Cette réflexion de son image l’avait surpris d’abord, puis il s’était trouvé beau et se souriait ; rien n’était plus comique. Les hyènes aussi sont coquettes, et, suivant les Arabes, il suffit, pour les prendre, de leur présenter un miroir et de leur promettre du k’heul pour se teindre les paupières. Du reste, ce jeune ourson, au poil fauve doré de reflets roux, aux yeux obliques et brillants, au nez noir et grenu comme une truffe, avait, dans son espèce, de l’élégance et de la beauté. Il eût tenu sa place sur la banquette d’antichambre d’un boyard et présenté avec une certaine grâce le verre d’eau-de-vie de bienvenue aux visiteurs. La tendre Mummia, infidèle à ses devoirs d’honnête ourse, lui eût peut-être assigné un rendez-vous dans sa caverne des Pyrénées.

Un peu plus loin, par-dessus la palissade de son jardinet, un chameau tendait au bout de son long col sa tête bénigne et hideuse, et rappelait la scène de l’évocation dans le Diable amoureux de Cazotte, où le chameau fantastique dit de sa voix caverneuse : « Che vuoi? » Cet honnête ru-