Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/220

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rait de plus en plus, ne laissant que de rares lacunes. D’immenses troupeaux se hâtaient vers la ville, rappelant, avec des aspects bibliques, les migrations des peuples devant quelque fléau envoyé par la colère céleste. Ces troupeaux devaient servir à la nourriture de la capitale, Gargantua grossi des fuites de la banlieue repliée derrière les murailles. A voir le tumultueux défilé de toutes ces bêtes destinées à la boucherie, on pouvait croire la provision inépuisable.

L’imagination de Gustave Doré a été vivement frappée de ce spectacle étrange et si nouveau dans notre civilisation, de cette agglomération gigantesque de bétail, dont l’Amérique du Sud seule peut donner des analogues, lorsque l’incendie des pampas pousse devant lui les hordes effarées des bisons. L’artiste nous a montré, s’engouffrant dans les allées du bois de Boulogne, comme un torrent irrésistible, cette masse de dos montueux, de cornes en croissant, de croupes saillantes, à travers les tourbillons de poussière, sous l’orage incessant des coups de bâton. Il nous a fait voir aussi une armée de moutons plus considérable que celle dont le chevalier de la Manche faisait, en termes si pom-