Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/239

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croupes, n’ayant d’autre abri que le feuillage, et frissonnaient au souffle du matin, comme les mustangs dans les prairies d’Amérique. Leurs maîtres dormaient près d’eux sur quelques brins de paille, enveloppés d’un manteau ou d’une couverture, se dressant au premier appel de la diane, et montrant combien sont, en réalité, inutiles les chambres bien closes et les matelas capitonnés.

Au milieu de la place, on avait formé un parc d’artillerie où arrivaient et d’où repartaient incessamment les canons de tous calibres : grosses pièces de siége, légères pièces de campagne, obusiers trapus, mitrailleuses de divers systèmes, engins d’attaque et de défense rayés ou non rayés, avec leurs caissons rangés en longues lignes, noire armée de bronze qui ne demandait qu’à vomir feu et flamme. Au-dessus de cette meute monstrueuse au col penché comme des dogues tirant sur leur laisse, s’élevaient des grues massives, des enchevêtrements de poutres semblables à des catapultes antiques, destinés à soulever les énormes canons de marine et à les changer d’affûts. Quelques pièces redressées à demi semblaient pointées contre le ciel et rompaient l’uni-