Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/323

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vrante. La flamme mise par les torches de l’enfer a dévoré les Tuileries. Il ne subsiste plus que les gros murs et les hautes cheminées monumentales s’élevant au-dessus des décombres, noircies par le feu, lézardées et menaçant ruine. La ligne que le palais traçait sur le ciel n’est plus reconnaissable. Cette toiture en dôme du pavillon de l’Horloge, dont on avait coiffé l’élégante architecture de Philibert Delorme, a disparu.

Les combles des autres corps de logis ont été également dévorés et se sont affaissés dans l’incendie. Par des baies sans croisées et sans vitres on aperçoit l’intérieur vide des bâtiments, où désormais ne pourraient plus loger que la chouette et les oiseaux de nuit. Cette ruine d’un jour est complète ; trois ou quatre siècles n’auraient pas mieux travaillé. Le temps, qu’on accuse toujours et qu’on appelle injustement tempus edax rerum, « le temps mangeur des choses, » n’est pas, à beaucoup près, aussi habile en fait de destruction que l’homme. Sans la sauvage bestialité des barbares, presque tous les monuments de l’antiquité nous seraient parvenus. Le temps ne fait que caresser le marbre de son pouce intelligent : il achève la beauté des édifices en leur donnant sa patine.