Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/335

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Aussitôt que le jeune homme aperçoit sa fiancée, il tend les bras vers elle et s’élance pour aller la rejoindre, mais tous ses efforts pour approcher de la blanche vision sont impuissants ; la charmante apparition se dérobe toujours par quelque moyen magique ; tantôt vive comme un oiseau, elle monte avec des ailes de sylphide au sommet des plus grands arbres, tantôt elle prend les brodequins verts de l'ondine pour courir sans les courber sur la pointe des roseaux, et suivre la volute argentée de la vague sur la rive. François tâche de l’atteindre, et toujours il arrive trop tard : quand Pâquerette est à droite, François est à gauche ; c’est un chassé-croisé plein de fuites et de détours charmants ; enfin, pour suprême effort, il gravit un rocher dont la pointe s’allonge démesurément ; il va saisir la fugitive, mais le pied lui manque, il perd l’équilibre et tombe au milieu du lac. — Cette chute dans le rève a son contre-coup dans la réalité, le dormeur se réveille.

— J’ai rêvé, dit il en se frottant les yeux et en se dressant de son banc.

Les paysans rentrent, pensant que le vielleur doit être assez reposé.

— Maintenant que vous avez dormi, vous allez nous faire danser, disent les jeunes filles impatientes, en lui présentant sa vielle.

Comme François se dispose à les satisfaire, on entend au loin un son de trompette.

À ce son bien connu, François effrayé dresse l’oreille et rejette son instrument sur son dos.

— Cette trompette annonce des soldats, il faut que je parte.

— Pourquoi les craignez-vous ? disent les paysans.

— Je ne les crains pas, mais je suis obligé de continuer ma route, répond François.

— Nous ne vous laisserons pas partir ainsi, s’écrient les