Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/272

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et glapir le sapajou effrayés de sa turbulence ; il jette au loin le malencontreux cornet, qu’il appelle l’éteignoir des grâces, et va se placer au bon point pour détailler les charmes de la marquise.

« Au vrai, marquise, dit l’abbé dans son enthousiasme, cette coiffure vous sied à ravir ; les Amours ont pétri votre teint, et vous avez aujourd’hui les yeux d’un lumineux particulier.

— Vous trouvez, l’abbé ? répond la marquise en minaudant et en jetant un coup d’œil à sa glace, entourée de dentelles, posée sur sa toilette ; cependant j’ai passé une nuit affreuse et j’ai une migraine horrible.

— Je souhaiterais à la baronne de ces migraines-là, qui vous mettent la joue en fleur et vous font plus fraîche qu’Hébé : la vraie migraine a l’œil battu et le teint plus jaune qu’un coing, et je m’inscris en faux contre la votre.

— Eh bien ! soit, je n’ai pas eu la migraine, mais j’ai eu des vapeurs.

— Par la cerise de votre bouche, par les roses de vos pommettes, par le brillant humide de vos prunelles, je soutiens que vous allez au mieux et que vos vapeurs sont de pures chimères.

— L’abbé, vous êtes d’une barbarie insoutenable. Je suis mourante, et vous me brutalisez de compliments à brûle-pourpoint sur ma fraîcheur et mon air de santé. Allons, dites-moi tout de suite que je suis potelée et rougeaude ; comparez-moi à quelque divinité mythologique de plafond qui a des joues de pommes d’api et des appas de nourrice.

— Là là, ne vous fâchez point : j’avais mal vu et vous admirais d’habitude et de confiance. Je m’aperçois, en effet, que vous avez une mine d’enterrement et de lendemain de bal. Allons, tendez-moi votre petite main blanchette, que je vous tâte le pouls ; je me