Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ner à elle une attention qui s’éloignait, de lui faire ce qu’en termes vulgaires on appelle un pinçon ; mais le passionné droguiste, qui parlait en ce moment à Jeannette, aussi stoïque que le petit garçon spartiate qui se laissait ronger le ventre par le renard, ne témoigna point par un cri ou par un geste qu’il eût la chair tordue par des doigts qui ne manquaient pas de vigueur, et à qui la colère en eût donné quand même ils eussent été faibles.

Il ne retourna même pas la tête, et Denise fut obligée de revenir à sa banquette sans recueillir de sa démarche l’aumône d’un coup d’œil ou le fruit d’un sourire.

En vain Javotte étendait le pied aux yeux du troisième clerc et faisait briller sa boucle de marcassite ou de cailloux du Rhin pour s’attirer le compliment que le jeune suppôt de Thémis ne manquait pas de lui faire à cette occasion ; cela ne servit de rien, les regards du clerc étaient trop occupés ailleurs pour s’abaisser jusque-là, et mademoiselle Javotte en fut pour ses frais de coquetterie.

Nanette, qui d’ordinaire n’avait pas le temps de s’asseoir, tant elle était poursuivie, perdit au moins une demi-douzaine de contredanses.

Bien que personne, dans cette réunion, ne soupçonnât la qualité de la marquise, on eût dit que la force de la naissance et du sang plus pur produisait son effet sur ces braves gens qui, certes, avaient à l’endroit de la fausse Jeannette, des attentions et des délicatesses involontaires que ne leur eût pas inspirées une grisette d’égale beauté.

Plaire à ces espèces n’était pas le but de la marquise, bien qu’elle fût flattée de l’admiration qu’elle inspirait.

Des reines, dit-on, et des plus sévères, ont été quelquefois plus sensibles aux grossiers compliments d’un