Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce qui va me coûter beaucoup, ce sera de ne pas être chaussée de soie.

— Il y a des bas de fil, ou de coton, si fins que madame ne s’apercevra pas de la différence.

« L’on pourrait même risquer le bas de soie sans pécher contre la vraisemblance, car quelques unes d’entre les plus huppées des grisettes se permettent cette coquetterie.

— Tu me rassures ; mais comment nous arrangerons-nous demain pour aller à ce rendez-vous ? Je ne puis sortir d’ici à trois heures en grisette.

— Assurément, non ; mais madame n’a qu’à se faire conduire par son carrosse à quelque église ou à quelque magasin ayant une double issue où un fiacre nous attendra ; nous y monterons, et nous irons à la chambre de Jeannette, où j’habillerai madame de façon à lui faire croire qu’elle n’a jamais fait toute sa vie que de la dentelle. »



X


Les choses ainsi convenues, Justine leva la marquise de Champrosé, et, après l’avoir remise aux mains des autres femmes pour finir de l’accommoder, la quitta après lui avoir demandé le congé de sortir.

L’abbé fut introduit et admis comme de coutume à faire sa cour ; malgré les souffrances que devait lui causer l’amour qui le brûlait, il avait le teint rose et paraissait très frais pour un homme rôti, calciné, tombé en cendres ; le chevalier ne tarda pas à paraître, suivi du commandeur, qui précédait le financier, de