Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/336

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rien et posa un baiser sur le front rose de la jeune fille, qui se trouvait à la hauteur de ses lèvres. »

Un bruit de pas dans l’escalier se fit entendre fort à propos pour la vertu de Jeannette.

M. Jean, pensant que cette occasion se retrouverait, laissa s’envoler la colombe qu’il tenait déjà par l’aile, et prit congé de l’air le plus civil du monde, après avoir pris toutefois rendez-vous pour le dimanche suivant.

Mme  de Champrosé prit par contenance un livre dépareillé sur une étagère, Huon de Bordeaux, ou les Quatre Fils Aymon, nous ne savons plus lequel, se jeta sur le fauteuil, allongea ses pieds sur le tabouret, et attendit Justine qui ne vint pas encore, car le bruit de pas n’avait été qu’une fausse alerte.



XIII


Justine, ayant vu sa maîtresse sous la sauvegarde de M. Jean, avait profité de l’occasion pour aller rendre visite à ce courtaud de boutique, frais et bête, qui lui semblait le type du véritable amour, et dont la solide galanterie lui plaisait plus que les grâces un peu mièvres du chevalier.

S’il ne parlait pas en mots choisis, le courtaud avait auprès des femmes l’éloquence qui persuade, et Mlle  Justine le trouvait un Cicéron dans le tête-à-tête.

Aussi eurent-ils ensemble une conversation assez longue, et lorsque la femme de chambre vint retrouver Mme  de Champrosé dans la chambre de Jeannette, le jour était-il entre chien et loup.