Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/342

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et d’ailleurs, je n’ai rien remarqué d’amphigourique dans ses manières de s’exprimer.

— Dès que madame est sûre que ce n’est pas un grimaud de lettres, je le trouve charmant de tout point.

— Penses-tu qu’il m’aime à la façon dont je veux ?

— Je le crois, au juger, fort éperdument épris de madame, de Mlle Jeannette, veux-je dire…

— Oh ! certes, il n’aurait pas la hardiesse de lever l’œil jusqu’à la marquise de Champrosé.

— Peut-être, je lui trouve un certain brillant dans l’œil, et il a l’air d’avoir le cœur assez haut.

— Mais il faut qu’il ignore que Mlle Jeannette est marquise.

— Rien n’est plus facile, car ce jeune homme ne doit pas aller dans les endroits où fréquente madame, et ne monte assurément pas dans les carrosses du roi.

— D’ailleurs, il me rencontrerait, qu’il ne me reconnaîtrait pas : tu as su faire de moi-même deux êtres si différents, que lorsque j’ai sur le dos le casaquin de Jeannette, je ne sais vraiment plus qui je suis.

— Et quand madame le doit-elle revoir, ce beau jeune galant ?

— Dimanche, jour où je suis censée n’avoir point de tâche à remplir ni de besogne à faire en ville.

— Si j’osais donner un conseil à madame, je lui recommanderais, pour la vraisemblance du rôle, de faire un peu la farouche à l’endroit de M. Jean, lorsqu’il lui débitera des douceurs, et de lui donner un peu du busc sur les doigts s’il s’émancipe. Ce sont les façons des petites gens.

— Comme je vais lui dire : finissez ! d’un ton… d’opéra-comique.

— Je dis cela, madame, parce que si Jeannette, qui, dans les idées de sa petite sphère, doit avoir des préjugés gothiques sur la vertu, se laissait aller tout