Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/344

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dans ces idées, car aujourd’hui même j’ai manqué de faire une faute de costume, et d’oublier que Jeannette n’était pas la marquise de Champrosé.

Il était temps, pour ma vertu, que tu revinsses, et peu s’en est fallu que mon roman ne commençât par le dernier chapitre ; mais pour me conformer à tes plans, je serai désormais d’une pudicité hyrcanienne et bourgeoise.



XIV


Tout en tenant ces menus propos, Mme  de Champrosé se fit mettre au lit, et Justine se retira lorsqu’elle vit Morphée jeter sa poudre d’or dans les yeux de sa belle maîtresse, ce qui ne tarda guère.

La marquise de Champrosé n’était pas la seule qui fût préoccupée tendrement à l’endroit de M. Jean.

Rosette la danseuse pensait aussi fort assidûment au vicomte de Candale, depuis le souper de la Guimard.

Rosette, qui avait le cœur sensible, malgré sa vie de Manon Lescaut (et il faut dire à son excuse qu’il n’était guère possible alors d’en mener une autre à l’Opéra), éprouvait des émotions assez rares pour un sujet de la danse récemment sorti de l’espalier : elle aimait !

Ce qui l’avait séduite chez le vicomte, c’était une certaine grâce triste, un vague air d’ennui qui, derrière son esprit, faisait supposer une âme, chose dont on s’inquiétait fort peu dans ce joyeux dix-huitième siècle.

En ce temps-là, il fallait pour plaire avoir la bouche en cœur, le nez au vent, le rouge à la joue, naturel ou faux, le jarret tendu, l’épée en verrouil, le claque sous