Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sans doute, Marcel et Vestris, quand ils dansent la courante dans les bergerades, ont bien meilleure façon que cela.

— Et cette autre horreur, qui va battant les dindons avec une gaule ?

— Nous venons de voir Tircis ; maintenant, nous voyons Philis.

— Justine, tu abuses de ce que je ne me connais pas aux choses de la campagne pour me dire des histoires incroyables.

« Cet affreux morceau de chair mal taillé, cette perruque de filasse emmêlée, ce teint truité, ces gros jupons rapiécés, cette affreuse cape en guenille, non, ce n’est point Philis.

— C’est Philis en personne. Il y a des milliers de Philis, en France, aussi laides que cela.

— Ah ! tu déranges furieusement mes idées pastorales. »

En conversant ainsi, Mme  de Champrosé penchait sa tête tantôt à droite, tantôt à gauche, s’émerveillant de tout ce qu’elle voyait, et toute joyeuse de l’idée que, tout en paraissant s’éloigner de M. Jean, elle s’en rapprochait en réalité.

Quand la chaise s’arrêta au relais, Mme  de Champrosé se prétendit un peu fatiguée, et demanda une chambre d’un air languissant, comme une personne qui se sent attaquée d’une indisposition qu’elle n’a pu prévoir et voudrait ne s’être pas mise en route.

La chaise fut dételée, et Mme  de Champrosé dit qu’elle verrait si dans deux heures elle pourrait continuer son chemin. Comme vous le pensez bien, l’indisposition ne fit qu’augmenter, et Justine, du ton d’autorité d’une personne qui s’entend aux choses de la médecine, décida qu’il fallait rebrousser chemin, et l’on repartit, non cette fois dans la chaise de poste, mais dans une carriole louée d’avance par Justine.