Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/367

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Candale, vêtu de l’habit de droguet de M. Jean, se trouva dans la petite chambre de l’ouvrière en dentelles, au lieu d’être dans le boudoir de la danseuse comme il en avait le dessein.

Contrariée du peu de succès de ses démarches, Rosette se sentit si triste qu’elle se crut malade ; elle dit qu’elle avait ses nerfs et ses vapeurs, et s’établit dans une chaise longue. Ses amis la vinrent visiter, entre autres la Guimard, qui, au fond, était une assez bonne diablesse.

Elle vit tout de suite, en femme d’expérience, quel était le mal de Rosette, et, au lieu d’y chercher une foule de noms barbares comme un membre des quatre facultés n’eût pas manqué de le faire, elle lui dit sans autre préambule :

« Tu es amoureuse.

— Hélas ! oui,

— Comment, hélas ! n’est pas amoureuse qui veut ; c’est un bonheur qui ne m’est arrivé qu’une fois, et je donnerais bien les mille écus de pension par semaine que me donne le prince pour en être encore là !

— Mais être amoureuse pour n’être point aimée !

— Qu’est-ce que cela fait ? On aime, cela est si bon ? Et, d’ailleurs, faite de la façon dont tu es, tu ne dois pas trouver de cruel.

« Tiens ! je ne sais pourquoi ce mot au masculin me fait rire. Il semble fait pour rimer avec belle dans les chansons et les madrigaux.

— Comme tu ris !

— Faut-il pleurer celui qui t’a inspiré cette flamme ? C’est donc un Hippolyte, un être farouche et maussade qui ne se plaît qu’aux bois et préfère au beau sexe les cerfs et les daims, comme celui de M. Racine ?

— Oh ! non, il n’est pas sylvestre à ce point.

— Et peut-on savoir son nom ?

— M. le vicomte de Candale.