Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/399

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neau de fiançailles que Candale lui offrait ; et l’anneau accepté, elle se jeta au cou de son mari avec une effusion de tendresse adorable.

Le jour fut pris pour la célébration du mariage que l’impatient Candale voulut le plus rapproché possible ; et le vicomte se retira le cœur plein de joie et de rêves de bonheur, non sans que l’amant eût dérobé quelques baisers au trésor de l’époux.

Mme  de Champrosé eut un moment l’idée de dire son vrai nom à Candale, après avoir reçu la bague ; mais elle voulut lui garder cette surprise pour le contrat : quel ineffable bonheur inonda son âme lorsqu’elle eut acquis celle certitude d’être aimée sans arrière-pensée d’ambition, de vanité ou d’intérêt par un homme noble, riche, illustre, qui la croyait obscure et pauvre, simple fille du peuple, gagnant sa vie à croiser des fils, et qui l’associait à son rang et à sa fortune ! Cet amour lui mettait au front une couronne plus rayonnante que sa couronne de marquise.

Le rôle de Jeannette allait finir, et Mme  de Champrosé, accompagnée de Justine, rentra en chaise de poste à son hôtel avec un grand vacarme, pour que son retour s’aperçût ; l’abbé, le financier, le commandeur et le chevalier accoururent aussitôt, et la marquise leur expliqua qu’en allant à Kerkaradec elle s’était sentie indisposée assez gravement pour rester au lit quelques jours dans une chambre d’auberge, et qu’elle était revenue à Paris au lieu de continuer sa route, pour se trouver plus à portée, en cas de rechute, des soins de Bordeu, en qui elle avait toute confiance.

Cette histoire de maladie n’était guère soutenue par la mine de la marquise, qui était la plus radieuse et la plus fleurie du monde ; mais comme elle était rigoureusement plausible, il la fallut bien accepter, car personne n’avait le droit de la trouver mauvaise.

Les jours suivants, Mme  de Champrosé eut soin de