Page:Gautier - Une larme du diable.djvu/54

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rayons du soleil ; nous sommes les fleurs du ciel, les fleurs sont les papillons de la terre.

SATANAS.

Que tout cela est assommant et comme la nature est ennuyeuse ! quelle fadeur ! quelle monotonie ! De l’herbe, des arbres, de la terre ; je ne connais rien de moins récréatif, si ce n’est les descriptions des poëtes bucoliques. Ah ! Théocrite et Virgile sont de grands sots et M. de Florian aussi. Par le premier péché de la mère Ève ! l’enfer est encore plus amusant ; on y a au moins le plaisir de tourmenter quelqu’un. Si je n’avais affaire ici, j’y retournerais bien vite. Après tout l’on n’est bien que chez soi, et l’on s’habitue à tout, même à griller éternellement. À force de me chauffer je suis devenu frileux, et je grelotte de froid devant ce pâle soleil. Ta création, Père éternel, est quelque chose d’assez mesquin, et tu ne devrais pas t’en enorgueillir comme tu le fais ; le moindre décorateur d’opéra est plus imaginatif. Voici un point de vue qui est des plus médiocres ; ce ciel est plat et cru, il a l’air de papier peint ; ces lointains ne fuient pas, ces nuages ont des formes saugrenues ; ces terrains sont