Page:Gautier - Une larme du diable.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

violette, et que tu m’allumes l’air de cette chambre du plus fin feu de luxure qui se puisse trouver.

ASMODÉE.

L’air de la cellule d’une nonne ou d’un cordelier ne sera pas plus embrasé et plus aphrodisiaque : du bitume, du soufre et de l’esprit-de-vin.

SATANAS.

C’est ce qu’il faut ; que tout soit en rut dans cette petite chambre virginale, jusqu’aux murailles et aux planchers ; que les armoires se trémoussent, que les fauteuils se tendent les bras et tâchent de se joindre homocentriquement ; que les pots se démènent pour dégager leurs anses, se prendre au col et s’embrasser à la bouche ; qu’un désir plus ardent que le feu Saint-Antoine prenne au ventre quiconque dépassera le seuil de cette porte.

ASMODÉE.

Vous voyez cette petite flamme couleur de punch qui voltige çà et là ; c’est la même que j’ai soufflée autrefois dans l’alcôve de Messaline. Si elle s’arrêtait une minute sur le cadavre d’une vierge morte depuis mille ans, on verrait aussitôt sa poussière s’agiter lubriquement et son ombre devenir plus