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VOYAGE EN ESPAGNE.

pour plaire aux gosiers britanniques, le vin doit être déguisé en rhum.

Après une étude si complète sur l’œnologie jérésienne, le difficile était de regagner notre voiture avec une rectitude suffisamment majestueuse pour ne pas compromettre la France vis-à-vis de l’Espagne ; c’était une question d’amour-propre international : tomber ou ne pas tomber, telle était la question, question bien autrement embarrassante que celle qui donnait tant de tablature au prince de Danemark. Je dois dire avec un orgueil bien légitime que nous allâmes jusqu’à notre calessine dans un état de perpendicularité très-satisfaisant, et que nous représentâmes glorieusement notre cher pays dans cette lutte contre le vin le plus capiteux de la Péninsule. Grâce à l’évaporation rapide produite par une chaleur de 38 à 40 degrés, à notre retour à Puerto, nous étions en état de disserter sur les points de psychologie les plus délicats et d’apprécier les coups à la course. Cette course, où la plupart des taureaux étaient embolados, c’est-à-dire portaient des boules au bout des cornes, et où deux seulement furent tués, nous réjouit fort par une foule d’incidents burlesques. Les picadores, costumés en Turcs de carnaval, avec des pantalons de percale à la mameluk, des vestes soleillées dans le dos, des turbans en gâteau de Savoie, rappelaient à s’y méprendre les figures de Mores extravagants que Goya ébauche en trois ou quatre traits de pointe dans les planches de la Toromaquia. L’un de ces drôles, en attendant son tour de faire le coup de lance, se mouchait dans le coin de son turban avec une philosophie et un flegme admirables. Un barco de vapor en osier, recouvert de toile et monté par un équipage d’ânes vêtus de brassières rouges et coiffés tant bien que mal de chapeaux à trois cornes, fut poussé au milieu de l’arène. Le taureau se rua sur cette machine, crevant, renversant, jetant en l’air les pauvres bourriques de la façon la plus drôle du monde : je vis aussi sur cette place un picador tuer le pauvre taureau d’un coup