Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/105

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me reconnais pas ? Ton cœur ne te dit pas que c’est ton George ?

Mon George !

L’écho des bois répéta trois fois, dans ses vastes profondeurs, ce cri, cet élan du cœur ; et ces deux enfants enlacés tombèrent plutôt qu’ils ne s’assirent sur le banc de chêne.

Merci, mon Dieu de m’avoir fait tant souffrir, dit Alexandrine, puisque mon bonheur est complet, plus immense Oh ! George, mon George, est-ce toi que je vois ; sont-ce tes yeux que je fixe ? Oh ! dis moi que c’est toi ; dis-moi que tu m’es rendu, que tu m’aimes encore, moi, ton Alexandrine qui te pleurais et te demandais à grands cris.

— Oui, Alexandrine, c’est moi, ton George. Le cœur m’a saigné en voyant que ton âme ne se doutait pas de ma présence ; mais à cette heure inespérée qui me voit auprès de toi seule, et au sein d’un bonheur si pur, je me sens plus calme, plus réjoui et non moins aimant que par le passé. Cinq ans se sont écoulés depuis l’heure où j’imprimai sur ta main mes lèvres pâles de douleur. Mon âme avait froid et la souffrance était ma torture. Cinq années de misères, de travail, de privations et de souffrance de toutes sortes ont pu briser mon être et non pas attaquer la partie intime de mon cœur qui est à toi à cette heure comme il t’appartenait à l’heure du départ. Si j’ai vieilli, mon cœur est resté jeune.