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Quand la Chouette eut jeté dans les airs son cri plaintif et morne, Mélas eut un frisson glacé qui lui parcourut tous les membres.

— L’heure est avancée, Mêlas ; nous allons regagner le village.

— Comme il te plaira, George. Et ce dernier entonna l’air si sonore : Tu veux savoir jusqu’à quel point je t’aime. À mesure qu’il avançait dans sa chanson, on entendait les branches sèches crier sous la pression d’un être inconnu. Mélas savait tout, et tout son sang refluait au cœur qui battait à rompre sa poitrine. Quand George eut fini les quatre vers suivants :

L’un à l’autre ayons confiance,
Le doute assombrirait nos jours ;
Malgré le temps, malgré l’absence,
Crois-moi, je t’aimerai toujours.

Le bruit devint plus évident.

— Quel est donc ce bruit insolite ? dit George.

— Attends, reprend Mélas, je vais aller voir, et il disparut dans les bois, laissant George seul.

Un faible cri, suivi de la chute d’un corps, vint avertir Mélas que tout était consommé. Une sueur froide perlait à ses tempes. Il se hâte lentement, et arrivé enfin auprès du cadavre de son ami, il faillit, le lâche, se trouver mal. « Caïn, Caïn, qu’as tu fait de ton frère ? » semblait lui crier toutes les voix de la nature. Il part, affolé de terreur et crie : au secours, au secours. Un frisson d’horreur courut par tout le village en entendant ces cris, avant-coureurs d’un grand malheur.

Les premiers habitants s’empressent et arrivent