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Qui n’a pas vu ces tristes mouvements du moribond, ces contractions de lèvres, ces sanglots, ces hoquets, ces sueurs froides sur un front mat, et ces yeux ternes et sortis de leur orbite ? Quand c’est un vieillard qui a fait un long chemin, on s’attriste encore, c’est vrai ; mais la douleur n’est pas aussi poignante que lorsqu’on a assisté à la dernière lutte d’une jeune homme, d’une jeune mère, qui n’ont encore goûté que les douceurs du printemps de la vie.

Alexandrine et Mélas assistaient, auprès du chevet de George, aux navrantes opérations du médecin sondant la blessure profonde que le couteau de l’assassin lui a infligée.

Laissons-les juger de la gravité de la blessure et rejoignons Plume-d’aigle, arpentant le village dont la rue principale ne semble pas assez large pour le contenir. Un couteau à la main, les cheveux en désordre, pieds-nus, la chemise en lambeaux, l’écume à la bouche, il va par le village, hurlant et vociférant à tue tête une chanson de guerre. La terreur est partout ; on s’empresse de fermer les portes pour se mettre à l’abri des coups de ce forcené, et personne n’osait le rencontrer dans la rue. Il avait fait, on le voit, grand usage de la barrique de rhum, prix de son homicide. Après avoir jeté dans les airs tous les cris des bêtes féroces, après avoir épuisé sa voix à crier, il vint rouler sur le seuil de la porte où George attendait la dernière heure.