Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/124

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Alexandrine, toute souffrante de cette révélation, ne put réprimer une parole de dédain pour cet être vil qui avait renié l’amitié à tel point que la haine l’avait poussé à commettre un crime.

Plume-d’aigle est tombé dans un coin. Le Capitaine de Milice l’arrête au nom du Roi, et le conduisant chez lui, il attendit au lendemain pour le diriger vers Québec. C’est là que, revenu à lui, il avoua tous les détails du crime qui pouvait avoir de tristes conséquences. Une chose soulageait la conscience publique : on connaissait le nœud de mystère. La jalousie avait été le mobile du crime et Plume-d’aigle avait été l’instrument dont le jaloux, possédé du démon, s’était servi pour perpétrer son abominable passion.

On aurait voulu saisir Mélas. On aurait pu le faire mais ceux qui le couraient pensèrent à sa pauvre vieille mère, et se disaient qu’il serait mieux de le laisser prendre la clef des champs. Il en usa largement. Parti du village au soleil couchant, il saisit une légère embarcation dans laquelle il y avait toujours des provisions, et prit la haute mer. Les ténèbres le prirent au bout d’en haut de l’Isle-Verte. Il aurait voulu continuer sa course vers le bas, ou bien gagner Tadoussac, mais les passages étaient difficiles. La lumière du phare de l’Isle-Verte ne suffisait pas pour éclairer sûrement la route. Il dut donc se résigner à camper sur le bout de l’île, et là y dormir d’un sommeil fiévreux et agité. Oh ! il a dû se tordre longtemps sur sa couche avant de pouvoir fermer l’œil. Le lendemain, avant le soleil levé, il était déjà en mer, et peu après il touchait la côte nord. Rendu là, il n’avait plus rien à craindre que la justice de Dieu qui trouve le coupable partout, sur la mer ou au fond des forêts vierges.