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se détacher des autres et serre de plus près la côte Sud, vis-à-vis le village où Alexandrine vit d’une vie pénible et sans avenir, sans souvenir du passé hors celui de son enfant volée. Le brick a des pavillons qui s’agitent au souffle du vent, en signe de réjouissance. Une forte détonation retentit et un nuage de fumée enveloppe aussitôt le navire pavoisé.

Les habitants du village, aussi bien que le Notaire Boildieu, ont remarqué les allures étranges de ce bâtiment. Qui donc peut s’aventurer ainsi, près de la côte ? Il faut que ce soit un quelqu’un qui s’y connaisse ; mais le mystère ne tarda pas à s’expliquer.

Femme, dit le Notaire Boildieu, je n’ai pas de doute que ce soit George qui arrive. Lui seul connaît assez bien la côte pour agir ainsi. Pauvre enfant ! je le plains. Son cœur est dans la joie, et ici… Il ne put en dire davantage, toute parole s’étouffa dans un soupir, et Madame Boildieu pleura. Le Notaire ferma la croisée et regagna son bureau.

C’était bien George : il n’y avait pas à s’y tromper. Il est là, en face du village qui renferme toute sa vie, sa joie et son bonheur. Il va donc revoir son Alexandrine tant aimée. Il la voit lui sourire à travers ses larmes de joie, se jeter dans ses bras et l’entraîner ensuite vers un berceau où repose un enfant qui va lui sourire, entourer son cou et le caresser. Il voudrait débarquer à cette heure pour tomber plus vite dans les bras de ceux qu’il aime ; il doit aller jusqu’à Québec où il arrivera à cinq heures du matin. Son déjeuner pris il termina ses affaires, et traversant à Lévis, il prit la route du village, joyeux, l’allégresse peinte sur la figure.

Cinq heures de l’après-midi sont sonnées, et le soleil descend rapidement à l’horizon. George rentre