prends, ton cœur, brisé par la séparation qui m’éloignait de toi, s’était concentré sur ce berceau qui faisait ta vie. Le lâche ! (car je le sens là encore dans ce nouveau crime) le lâche ! il a compris que ce serait frapper un grand coup que de ravir notre enfant, et il a su agir.
Voilà l’œuvre de la vengeance et de la haine. Dieu a été trop bon pour moi, pour qu’à cette heure les angoisses que tu me causes me portent à te maudire. Non, Dieu qui sait des méchants arrêter les complots, saura faire acte de justice pour ton plus grand bien.
Pauvre Alexandrine ! en t’enlevant notre enfant, Mélas voulait te ravir la vie ; mais il n’a réussi qu’à demi. Pourquoi n’est-elle pas morte plutôt avec son enfant ? Je les aurais pleurés en attendant l’heure où le ciel s’entrouvre au repentir. Tandis qu’à présent je souffrirai de sa souffrance, je pleurerai de ses larmes ; non pas que je redoute de souffrir, de pleurer ; oh ! non, la souffrance est un bien, et
Toute larme, enfant,
Efface quelque chose.
Quelle épreuve pour moi qui m’en revenais, joyeux, tomber dans les bras de mon épouse chérie. Elle ne me reconnaîtra que rarement, moi, son George.
George ! George ! dit la folle, oh ! j’ai répété bien souvent ce mot là à mon enfant, ma petite Armande qu’il ne connaissait pas. Mais il est parti, George, mon mari. Il reviendra peut être avec Armande. Et la folle se tut pour continuer à bercer.
À ce moment Madame Boildieu entra. George se leva comme un homme ivre et se jeta dans les bras de sa belle-mère. Consolez vous, George, dit elle, votre malheur est grand ; mais il n’est pas irréparable.