Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/166

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Mélas vit un nuage obscurcir ses yeux… Ta mère, dit-il, elle est morte !

— Oh ! mon père, dit-elle. Et elle se jeta dans ses bras.

Mélas eut un frisson de joie, et son être tressaillait sous cette caresse comme la feuille sous les baisers du zéphire.

Cette heure d’ivresse devait bientôt être oubliée. Mélas n’était pas exempt des souvenirs du passé ; ils venaient à flots le presser, l’obséder de tous bords, et alors Fleur-du-Mystère était le souffre-douleur du moment. Mélas la repoussait brutalement de ses bras ; et ses traits contractés, les yeux hagards, il ressemblait à un aliéné furieux.

La pauvre enfant pleurait tout bas, dans un coin de la cabane, tant elle avait peur de son père ; et lui, le bourreau, se surprenait à grimacer un sourire en voyant le sang et la chair de ses deux ennemis souffrir bien loin d’eux qui devaient aussi ressentir une douleur aiguë.

Alexandrine, disait-il, c’est toi qui souffres dans cette enfant. Oh ! j’ai bien plus souffert que cela moi !

Ce n’était que passager. Il revenait bientôt et s’empressait auprès de Fleur-du-mystère qui ne venait à lui qu’en tremblant.

Ainsi allèrent les années. Lorsque Fleur-du-mystère eut atteint l’âge de seize ans, Mélas l’aimait éperdument, d’un amour jaloux, d’un amour d’autant plus fort qu’il avait été retenu pendant plusieurs années et qui se concentrait à cette heure sur un être unique : Fleur-du-mystère, belle comme une petite senora d’Italie. Son amour jaloux allait encore faire une malheureuse, car il la laissait à peine sortir. Dans ses moments d’expansion,