Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/201

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de guide ? Et quel guide plus sûr que le cœur bien disposé d’une femme qui comprend son devoir et sa mission ici-bas ? Pour moi, qui avais besoin d’amour comme les feuilles ont besoin d’air et de lumière, j’ai rencontré ton cœur brisé et méconnu, et je m’y suis cramponné avec l’énergie du désespoir, comme le naufragé se jette et s’attache sur l’épave qui doit le sauver en le conduisant au port.

Dors maintenant, et laisse-moi le bonheur de veiller sur ton sommeil, avec ton Ange-Gardien.

Je me soumets, puisque tu le veux ; et Fleur-du-mystère s’endormit. Laurent ne ferma pas l’œil. Il attisait le feu et priait celle dont on chante :

Le juste est bon enfant, il peut tout sur son cœur,
Mais auprès du pécheur jour et nuit elle veille ;
Il est ton fils aussi, l’enfant de la douleur…

Il ne cessait de contempler les traits de cette chaste et pudique enfant qui avait conservé son innocence comme ces lys si blancs qui croissent dans les vallons que ne foule aucun pied humain. Il lui parlait tout bas, à cette fille au teint basané, de crainte de l’éveiller, et il se surprenait à pleurer, en pensant aux souffrances de cette créature si faible, une martyre de la brutale jalousie de Hibou.

Il faudrait ici le pinceau qui a tracé le portrait de Pactas et d’Attala perdus au sein de la forêt. Oui, il me faudrait la plume du chantre des Martyrs pour peindre les impressions ressenties à cette heure de calme, par ce jeune homme au cœur élevé et non corrompu par le spectacle navrant des infâmes de nos grandes villes. Rien ne le ravissait, ni le calme de la nuit, ni les étoiles gravitant dans l’espace, ni