Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/205

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étanché par la doublure déchirée. Là, résigné et stoïque comme tout Indien dont il avait la nature, il attendit. Nuit longue et pénible.

Une heure est plus qu’un siècle au sablier du temps,
Quand la morne douleur en compte les instants.

Il avait l’énergie de la souffrance comme il avait eu l’énergie de la haine. Mais ces heures de souffrance le trouvèrent seul, au bord du tombeau, prêt, d’un moment à l’autre à être lancé dans la nuit éternelle dont les ombres épaisses commençaient à obscurcir pour ainsi ses yeux. Son âme se replia sur lui-même ; il descendit dans son cœur qui battait faiblement, et à la lueur non éteinte d’un reste de foi qui dormait sous les cendres de la froideur, il revit le passé horrible qui se dressait devant lui comme un spectre maudit. Il revit ses jours d’enfance, sa mère, ses heures de Collège, l’amitié trahie, les complots ourdis, les projets de haine exécutés. Il vit Alexandrine souffrante, privée de son enfant qu’il avait fait aussi souffrir ; George brisé par ce coup mortel porté à son affection. Il vit tout cela, et il eut un serrement de cœur.

Il est une heure dans la vie d’un scélérat, où le regret du passé envahit son âme de boue, comme les grandes marées envahissent les rivages, et lui fait penser à cette vie future, la terreur des uns, la joie des autres. Si l’âme est morte, la grâce passe et ne revient plus, comme le boulet qui passe sur une surface plane sans la mordre ; s’il y a du bon, elle en fixe et s’attache à la persévérance du condamné, comme la bouée qui doit le sauver, et on a alors