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les exécutions même… Le sang et les larmes versés sur l’autel de la patrie arrosent aujourd’hui les racines de l’arbre qui fera flotter le drapeau marqué des deux étoiles des Canadas.

Je laisse des enfants qui n’ont pour héritage que le souvenir de mes malheurs. Pauvres orphelins ? c’est vous que je plains, c’est vous que la main sanglante et arbitraire de la loi martiale frappe par ma mort. Vous n’aurez pas connu les douceurs et les avantages d’embrasser votre père aux jours d’allégresse, aux jours de fête… ; Pauvres enfants ! vous n’avez plus qu’une mère désolée, tendre et affectionnée pour appui ; et si ma mort et mes sacrifices vous réduisent à l’indigence, demandez, quelquefois en mon nom, le pain de la vie ; je ne fus pas insensible aux malheurs de l’infortune.

Quant à vous, mes compatriotes, puisse mon exécution, et celle de mes compagnons d’infortune, vous être utile ! Je n’ai plus que quelques heures à vivre ; mais j’ai voulu partager mon temps entre mes devoirs religieux et mes devoirs envers mes compatriotes. Pour eux je meurs sur le gibet de la mort infâme du meurtrier ; pour eux je me sépare de mes jeunes enfants, de mon épouse chérie… et pour eux je meurs en m’écriant : Vive la liberté ! vive l’indépendance !

Chevalier de Lorimier.

Derniers adieux de M. de Lorimier à son épouse.


Ma chère et bien-aimée,

À la veille de partir de mon lugubre cachot pour monter sur l’échafaud politique, déjà ensanglanté de plusieurs victimes qui m’y ont devancé, je dois à mon devoir conjugal, ainsi qu’à ma propre inclination, de t’écrire un mot avant que de paraître devant mon Dieu, le juge souverain de mon âme.