Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/22

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dans l’âge mur, c’est le reste de la vie pour sa famille ; mais la jeune fille, c’est le mari, c’est le sort heureux du malheureux, c’est la richesse, et son riant cortège, c’est la pauvreté et son pendant. Allons ! père, mettez toute votre science. Dites-moi si j’aurai un bon mari, si je dois en avoir un ; dites-moi…

— Un mot, mamzelle ; si vous parlez tout le temps, vous allez me distraire. Allons ! un peu de silence et laissez-moi examiner votre main mignonne. Je répondrai à toutes les questions que vous pourrez me poser.

Tout en parlant ainsi, il lui avait pris la main, et l’échine du dos en arc il contemplait, examinait, comparait les lignes de l’intérieur de la main d’Alexandrine.

— Le sourcil froncé : il y a des embûches sur votre route, dit-il. Il y aura du bonheur, des peines, de l’ivresse suivie et remplacée par des larmes : tout cela est mêlé.

— Mais c’est la vie, cela, père. On y rit, on y pleure ; le rire coudoie les larmes en ce monde.

— Oui, c’est vrai, tout ça ; mais chez vous c’est plus accentué. Avez-vous des ennemis ?

— Pas que je sache.

— À l’avenir, méfiez vous de vos entourages. Tiens, dit-il en lâchant la main d’Alexandrine, je n’en dis pas plus long. Les conséquences dont me parlait votre mère, tout à l’heure, me pèsent, sur le cœur. Mais, venez ici. Tiens ! je n’avais pas vu cette veine bleue qui coule là, à gauche du menton. C’est comme du marbre veiné. Elle coule silencieusement. Pourtant son cours est accidenté, C’est un bon et un mauvais signe.