Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/228

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la presser dans mes bras ; mais non, je vois bien que ce n’est pas elle, je ne sens pas mon cœur battre. George, mon George, rends moi mon enfant. Oh ! pourquoi Dieu me la ramène-t-il pas ? il y a si longtemps que son petit lit est vide !

— As-tu demandé à Dieu notre enfant ?

— Moi… mais il fait si noir dans mon esprit ; et elle pressait sa tête dans ses deux mains. Mais pourquoi, cela ne m’apporte pas mon Armande et c’est elle qu’il me faut.

— Si tu voyais Armande, mon ange, dit George, la reconnaîtrais-tu ?

— La reconnaître ? Une mère ne pas reconnaître son enfant ? Pourtant ! mais elle est dans son berceau ; et se levant avec une rapidité étonnante, en un instant elle fut près du berceau ; elle entrouvrit les petits rideaux de dentelle. Après y avoir plongé un regard morne, elle s’écria d’un air abattu ; « Rien, toujours rien. » Puis elle revint prendre sa place auprès de George. Elle entoura alors de ses deux bras nerveux le cou de son mari, sa tête appuyée sur son épaule, elle se prit à sangloter.

George fut inondé des larmes de la pauvre mère, qui se mêlèrent aux sueurs nombreuses qui perlaient aux tempes du mari d’Alexandrine. Il avait espéré voir se continuer ce moment de lucidité, qui aurait permis à cette malheureuse de reconnaître son enfant, mais il ne le voyait que trop : les ombres recommençaient à envahir le cerveau d’Alexandrine comme les mers houleuses envahissent les grèves désertes.

Tout était il sans espérance ? Oh ! non, George avait un renfort dans la personne de son Armande. Il se sentait tous les courages, toutes les espérances, depuis qu’Armande était là, près de lui.