Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/245

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Mélas ! criait la foule, et le cercle allait s’agrandissant.

Le mutilé eut un sourire. Le Seigneur disait un jour, en parlant de la pécheresse : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre. » Eh ! bien, refuserez-vous un pardon que j’implore à genoux, moi, mutilé par la guerre pour mon pays, pour ses droits et sa sainte liberté ? Et Mélas tomba aux pieds de ceux qu’il avait tant fait souffrir.

Ô revirement subit ! aussi grande avait été tout d’abord l’expression de la haine, aussi grande était à cette heure l’expression d’une généreuse miséricorde. C’était une victime de 1837-38 ; il avait versé son sang pour la patrie, pour la cause des Canadiens ; et puis ceux qu’il avait persécutés n’étaient-ils pas heureux à cette heure ? Lui-même n’avait-il pas assez souffert ? Ils ne devaient donc pas être égoïstes dans leur bonheur

— Nous pardonnons, dit George ; et vous ? en se retournant vers les autres.

— Oui, Fleur-du-mystère pardonne au Hibou, s’écrie Armande, mais à une condition : c’est qu’il oublie le passé.

— Pour moi, dit Laurent, je lui dirai simplement ces paroles du poëte :

Dieu fit du repentir la vertu des mortels !

Le pardon était entier. Mélas avait eu le baptême