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Vous ferais-je le portrait des deux visiteuses ?

Mme Vincent, dont le mari est marchand, est courte et bien prise. Des bras musculeux, une figure virile, mais pleine de douceur et d’aménité ; des yeux timides et souvent voilés, comme pour méditer et revenir sur elle même. Bonne personne, trop bonne peut être : c’est le défaut de bien des mères. Elle parle beaucoup, mais bien : c’est une qualité assez rare de nos jours.

Mme Dubois, c’est l’antithèse de sa grande amie. Son mari est un rentier très à l’aise. Grande, svelte, droite et bien posée, elle a un port de reine, une démarche douce, même coquette, disent certaines vieilles harpies comme il s’en trouve dans toutes les paroisses, pour le plus grand malheur du monde. Ses cheveux sont déjà grisonnants aux tempes ; une main potelée, digne d’esprit supérieur ; un nez de présence : faut dire qu’elle en prenait du tabac à priser. C’était une âme sincère et aimante, mais rigide dans la force du mot, lorsqu’il s’agissait d’un devoir à accomplir.

Voilà le portrait de nos nouveaux personnages,

— Comment vont vos fils au Séminaire ? Oh ! ce n’était pas tout le monde qui avait l’insigne honneur d’avoir un fils alors au Séminaire de Québec.

— Le mien est bien, répond Mme Dubois. Ce cher enfant, il m’écrivait encore hier. Je vous assure qu’il s’en donne du trouble ; c’est sa dernière année.

— C’est sa dernière ? reprend Mme Vincent. Mais