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Elle n’avait pas cette grâce étudiée, cet air de coquetterie raffinée, ces allures de femmes mondaines ; elle était affable et spirituelle, sans être mordante en raillerie ; la légèreté n’avait jamais effleuré son front : c’était là le mystère de cet attrait. On sentait que son âme était bonne, son cœur courageux et pur, sa pensée limpide comme le ciel tant vanté d’Italie.

Quelle ne fut pas l’émotion de Mélas, en présence de cette adorable enfant ! C’est lui qui eut le premier la conversation avec elle. Il y mit tant de finesse, elle y révéla une telle aptitude, une telle bonté d’âme, un tel engouement modéré par le savoir vivre, que Mélas, ravi, comprimait les battements de son cœur. Il bénissait déjà le ciel d’avoir mis sur sa route cet ange de grâce et de cœur qui lui souriait si tendrement. Il n’avait jamais songé à l’amour, à cet incendie qui s’allume si subitement et dévore, comme un poison infiltré dans les veines. Ce soir là, il connut la mystérieuse influence de cette passion qui fait souffrir autant et plus encore qu’elle fait jouir, qu’elle rend heureux. Déjà, sans s’en apercevoir, il glissait sur cette pente facile. Il était suspendu avec son cœur aux lèvres de cette enfant qui lui parlait avec son âme. Il l’aimait éperdument, ne voyait plus qu’elle. Le bonheur le rendait fou ; il y avait des concerts dans son âme, et son cœur nageait au sein de jouissances sans pareilles.

Et George, lui ? Dans un coin du vaste salon meublé à l’antique, près du piano d’un âge respectable, il causait de choses et d’autres avec M. Boildieu ; on parlait surtout de la politique d’alors. C’était un thème inépuisable : Les patriotes avaient des moments passionnés, des expressions brûlantes de patriotisme et d’indignation. George n’était pas