Mélas écoutait encore, et tout le monde était levée, se jouant sur l’herbe verte pour faire la sieste.
— Seule à table, dit-il, tout à coup ?
— Mais oui, reprend Alexina ; vous vous croyez auprès d’Alexandrine, je gage ?
— Presque ; et il se leva comme Alexina arrangeait la table, et que George venait de s’excuser pour aller cueillir des framboises.
Mélas prend l’occasion aux cheveux. Il aborde Alexandrine en souriant ; elle l’accueille avec un regard joyeux qui fit bondir de joie le cœur de Mélas. J’espère gagner la partie, se dit il ; et il y eut comme un rayonnement sur tout son front, et ses yeux lancèrent une gerbe d’étincelles.
— Asseyez-vous, mon cher M. Vincent. Savez-vous que j’avais hâte de vous voir ? Vous avez un air si taciturne, que j’attendais avec impatience la fin du repas pour vous parler…
— C’en était trop. Vous avez dit impatiente, mademoiselle ?
— Mais oui, car je tiens à ce que les invités de mon père, et qui sont les miens aussi, soient gais et trouvent à s’amuser ; je dois tout faire dans ce but.
— C’était l’intérêt d’autrui que vous preniez en main et qui vous rendait impatiente au milieu du repas, en me voyant triste.
— J’avais votre intérêt en main, Monsieur Vincent. Je voulais vous rendre gai ; c’était l’intérêt d’autrui.
— Ce n’est pas ma pensée : je veux dire que c’était plutôt en vue de votre père que de vous même que vous agissiez ainsi.
— C’est tout naturel cela, Monsieur Vincent, car pour moi je n’oserais pas parler ainsi.
— Oh ! pourquoi ne pas oser…
Alexandrine comprit, baissa les yeux, et pour cacher son trouble elle saisit à ses côtés une pauvre