Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/61

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gaie avec son compagnon aussi taciturne qu’un Maléchite à la porte de sa cabane. Parfois un bon mot d’enfant réussit à le faire sourire, mais c’est un souffle à peine visible sur une surface unie ; c’est un rictus amer qui vient plutôt du dépit que de la joie. Enfin, au moment où, faisant un effort suprême, Mélas voulait parler à Alexandrine, le lac parut aux regards de tous qui n’eurent qu’un même cri arraché à leur admiration : « Que c’est beau ! » C’était, à s’y méprendre, le lac chanté par Lamartine en un langage qui restera toujours comme l’expression la plus vraie, la plus sincère de la poésie intime, de la poésie du cœur ; c’était ce lac bleu et réfléchissant les grands pins séculaires de ses bords qu’Alexandre de Bar a si bien su rendre. Y a t-il rien de comparable à cette petite surface de crystal où se mire la vaste image des cieux ? Y a-t-il quelque chose de comparable à la beauté de ces rives qui découpent ça et là quelques petites baies où les flots viennent expirer, en murmurant doucement comme une harpe éolienne sous la ramée ? Y a-t-il rien de comparable à la sauvage grandeur de ce silence solennel qui semble planer sur le lac comme un voile mystérieux. Voyez là-bas, en cet endroit où le soleil n’a pas encore paru, ce nid de fauvettes se mêlant dans l’ombre ; voyez-vous cette brume légère qui s’élève et prend, gaze légère, des formes spectrales qui s’élèvent, diminuent pour augmenter de nouveau et disparaître en couche mince sur la sur-