Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/68

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bien qu’il ne faut pas des mois et des années pour s’aimer, un instant, un seul instant suffit pour mettre au cœur d’un jeune homme cette passion que l’on nomme l’amour et dont la nature est si subtile. Je suis encore sous le charme de cette passion qui fait souffrir, quand elle n’est pas partagée. Oui, Alexandrine, je puis vous l’avouer, car on ne doit pas avoir honte d’un sentiment aussi pur que le crystal de ce lac ; je puis vous avouer que depuis le jour où votre père nous admit, Mélas et moi, au sein de votre famille, depuis le jour où votre voix fraîche et pleine de naturel trouva le chemin de mon âme, je n’ai pas eu de repos. Une image bien chère me poursuivait partout, elle me souriait à mon réveil comme elle enchantait mes rêves ; tout le jour elle m’accompagnait comme un ami fidèle. Cette image c’est la vôtre, et Dieu m’est témoin que je vous aime sincèrement ; d’ailleurs l’avenir est qui prouvera la sincérité de mes paroles. Ma passion n’est pas d’une heure ; elle est réfléchie, et je sens moi même quelque chose qui me dit que cet amour est fort et durera comme le roc de granit que le temps qui ronge tout ne parvient pas ébranler.

George se tut. Un silence de mort suivit ses derniers accents ; il sentait son cœur allégé d’un bon fardeau. Quels que dussent être les résultats, Alexandrine les yeux baissés vers la terre, le rouge sur le front, les mains croisées sur les genoux, gardait le silence.

Oh ! pourquoi vous avoir parlé ainsi, puisqu’à cette heure, je ne dois pas espérer de retour. Vous ne me parlez pas, Alexandrine ? Un pauvre enfant vous tend la main dans le chemin de la vie ; il va partir, s’éloigner pour longtemps, et vous n’accéderiez pas à sa demande ? Oh ! là bas, sur les hautes