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choses et d’autres. Et n’ai-je pas rencontré cet être cynique de sauvage qui reste au pied de la montagne. Ça été la seule ombre de ma journée. Je ne sais pourquoi cet effroi, à la vue de ce sauvage ? Mon Dieu ! on dirait que les sauvages doivent avoir une influence funeste sur ma vie.

Allons ! Alexandrine, n’insulte pas au bon Dieu ! Il est le seul maître de la vie, et tu le sais : pas un cheveu de notre tête ne tombe sans sa permission. Que peux-tu craindre d’ailleurs d’un pauvre idiot ? Il passe en tendant la main ; on lui donne, et ne vois tu pas qu’il grimace un sourire de satisfaction.

— Allons, maman, je te laisse. Il me faut aller faire un brin de toilette et sortir en voiture.

La chère enfant, comme elle est souriante et gaie ; l’oiseau des bois n’a pas la souplesse de ses membres ; le ciel sans nuage n’a pas la sérénité de son âme nageant au sein d’une ivresse sans pareille.

La voilà partie pour faire un tour de voiture avant souper. Conduisant elle-même un superbe cheval canadien pur sang, cette race tant recherchée et qu’on a perdue par notre faute, elle laisse les guides au hazard, n’écoutant plus que les longs et réguliers battements de son cœur si content d’avoir échangé sous les gros pins, au bord du lac, ces confidences mutuelles dont le souvenir la tenait sous ses charmes.