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grands yeux, pendant ce doux colloque de la mère avec son premier-né, pendant ce mystérieux concert de deux âmes dont l’une encore voilée, la tempête, au dehors, semblait augmenter en fureur.

Pauvre George ! soupira la jeune femme, et sa tête retomba inerte sur sa poitrine qui venait de relever un sanglot. Puis relevant son front où s’était formée une ride, elle se prit à chanter, pour endormir son enfant, ces mots du « Vallon. » Elle les avait répétées si souvent ces paroles, tristes comme une mélopée, funèbres comme une tombe :


Mon cœur lassé de tout, même de l’espérance,
N’ira plus de son vœux importuner le sort,
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d’un jour pour attendre la mort.

D’ici je vois la vie, au travers d’un nuage,
S’évanouir pour moi dans l’ombre du passé.
L’amour seul est resté… Comme une grande image
Survit seule, au réveil, dans un songe effacé.

Mes jours tristes et courts comme des jours d’automne
Déclinent comme l’ombre au penchant des côteaux.
L’amitié me trahit… la pitié m’abandonne ;
Et seule, je descends le sentier des tombeaux.


L’enfant s’endormit doucement, et la mère le posant dans un petit nid soyeux, approche le berceau d’osier près de son lit, puis elle-même se livra au sommeil.

Dormez, dormez toujours, pauvres âmes pures comme des colombes ; dormez, dormez toujours, car le réveil sera triste.


II


À l’heure où Alexandrine Boildieu disait à son enfant bercé sur ses genoux, ces mille paroles qui sont autant de douces caresses, à cette heure, sur la