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elle eut des songes roses. Dieu avait pitié de la douleur ; il voulut que son sommeil fut paisible pour que son réveil ne fut pas trop pénible, quand la réalité décevante viendrait lui serrer l’âme.

Quand elle ouvrit les yeux, le soleil avait commencé sa course et déjà il inondait l’appartement d’un jet de lumière. Alexandrine eut un sourire navrant. Ouvrant sa fenêtre, elle vit au loin, sur le chemin du roi, un attelage filant vers Québec avec une grande rapidité. La pauvre enfant agita à la fenêtre son mouchoir encore humide. Un cri s’échappa de ses lèvres : de la voiture on avait répondu.

Adieu ! mon George, adieu ! tu emportes avec toi le cœur de ton Alexandrine.


X

EN MER.


George arriva à Québec heureusement. On était alors au commencement d’octobre 1810. La vieille cité de Champlain semblait alourdie sous le poids d’une tyrannie sans pareille. À cette heure où l’Europe en feu avait les yeux fixés sur un seul homme, le Grand Napoléon ; à cette heure où la perfide Albion avait à lutter contre la puissance de ce génie, nos Canadiens, suspectés dans leur patriotisme et leur affection pour la France, la rivale de l’Angleterre, se voyaient à la merci d’un tyran qui a nom Craig. Oui ! se disaient alors nos ennemis, oui, la France a fait de l’Europe un immense champ de guerre, elle veut assouvir l’Angleterre pour voler ensuite à la conquête du monde ; or les Canadiens conquis et non vaincus parlent français, professent le culte catholique et sont d’origine française, donc ils doivent partager les idées de la France qui n’a pas même respecté ce qu’elle avait de plus noble et