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ment une coterie qui barre le chemin à tout le monde : — j’ai remis un manuscrit à M. Dumanoir ; il m’a répondu que ma pièce était très-spirituelle (de toutes parts : Je crois bien !), mais qu’elle manquait de développements… Il faut à ces auteurs des ficelles… — On voulait m’adresser à Scribe ; mais il paraît qu’il ne se gêne pas pour faire jouer au Gymnase, sous son nom, les pièces qu’on lui a confiées…

un gros monsieur. — Parbleu !… sans cela, comment aurait-il fait trois cents pièces… Tout cela, c’est des pièces de jeunes gens… »

On devise longtemps sur ce texte. — On continue à déplorer que les merveilleuses délicatesses de l’esprit de salon soient bannies du théâtre par la jalousie des auteurs. — Les acteurs, déshabillés, viennent se mêler à la société, où ils sont comblés de félicitations. — Ceux-ci prennent au sérieux tous ces compliments, — sont mordus du démon de la comédie et courent de salon en salon offrir leur petit talent. Ainsi s’établit dans un petit monde cette convention que, chez Mme de V…, on joue, tous les quinze jours, des pièces plus spirituelles que celles de M. Scribe. Quant à M. Gaston, le jeune premier, il est bien entendu qu’il est très-supérieur à M. Bressant. — D’autre part, il n’y a pas à la Comédie-Française une actrice digne de lacer les brodequins de la jeune première de société.

Cependant, pourquoi ne pas l’avouer ? la comédie de société a ses jours de réussite. La semaine dernière, j’ai vu représenter, rue de Verneuil, le Roman d’une heure par trois amateurs qui m’ont donné beaucoup à penser sur cet art du comédien, abîme et mystère, où l’analyse se perd et s’égare sans pouvoir rien découvrir. — Est-ce le produit d’un travail patient et implacable ? Est-ce l’inspiration pure d’une nature heureusement douée qui devine tout ce que les autres apprennent ? — Je l’ignore. — Ce que je sais, c’est que là, dans ce salon de la rue de Verneuil, deux femmes de la société, en compagnie d’un jeune officier, un vainqueur de l’Alma, ont joué le marivaudage d’Hoffmann avec une aisance, une grâce et quelquefois une rouerie qui aurait pu leur attirer des propositions du directeur du Gymnase.


Le bal masqué. — Nous sommes en carnaval ; — bien mieux, le carnaval expire, et on ne s’en douterait guère, tant il fait peu de bruit dans la ville. — Les seuls bals de l’Opéra attestent cette époque de folies. — Quant aux bals particuliers, ils boudent et s’abstiennent. —