Ici, l’employé au recensement commence à lire à la course et en bredouillant, comme un homme qui cherche l’article essentiel.
« Mme de Saint-Ange sera tenue de se fournir tous les costumes de ville et de caractère. »
— Ce n’est pas cela,
« En cas de grossesse de l’artiste non mariée, les appointements sont suspendus de plein droit. »
— Ce n’est pas cela.
« Mme de Saint-Ange s’oblige à se contenter de la loge et du luminaire qui lui seront attribués. »
— Ce n’est pas cela.
« Mme de Saint-Ange s’engage à venir en personne consulter le tableau des répétitions et à se mettre à la disposition de l’administration à l’heure du spectacle, quand même elle ne jouerait pas dans la représentation. »
— Diable ! c’est dur, cet article-là. — Mais ce n’est pas encore cela… — Ah ! nous y voici.
« Moyennant ces conditions fidèlement exécutées, il sera payé à Mme de Saint-Ange, par douzièmes et de mois en mois, la somme de trois mille francs… »
Note manuscrite :
« Que Mme de Saint-Ange s’engage à déposer préalablement à la caisse, pour répondre de la régularité de son service. »
« Madame, continue l’employé, je vois que vous êtes bien, en effet, artiste dramatique. — Mais, si c’est là une profession, ce n’est pas une profession lucrative.
— Monsieur, une artiste qui veut se faire connaître doit faire quelques sacrifices.
— Madame, le recensement, après tout, n’est pas un interrogatoire de cour d’assises. Vous êtes artiste dramatique. — Je vous porte en cette qualité sur la feuille. — Pour mon édification personnelle, il me resterait à savoir par quelle profession vous soutenez la profession d’artiste.
— Monsieur, réplique la dame qui a repris son aplomb, — ayez vingt-cinq ans et des bottes vernies, ou soixante ans et autant de mille livres de rente que d’années, et on vous le dira… »