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torride, les aunes, les bouleaux, les noyers, les ormes de nos climats. Les fruits de cette époque, et principalement ceux de l’arbre de Noé, ont laissé quelques traces, et l’on peut croire que nos charmantes fleurs commençaient dès lors à sourire à la terre.

Néanmoins, par un contraste étrange et qui annonçait peut-être le caractère et les mœurs des futurs habitants de Paris, pendant que certaines parties de l’Europe étaient alors infestées de bêtes féroces, pendant que l’on trouve dans les terrains d’alluvion de l’Angleterre des cavernes où ces espèces ont été entassées en masses énormes, par une catastrophe aussi violente que subite ; le bassin de Paris n’avait, à cette époque, que des animaux paisibles, élégants, spirituels c’était l’intelligent castor, le léger écureuil, le singe malicieux, et une sorte de cerf qui avait un bois de cinq pieds de hauteur et de dix pieds d’envergure. Les Parisiens, comme on le voit, ne devaient pas être bien loin !

Une dernière révolution vint dénuder le sol par de vastes courants d’eau et en combler les inégalités par de puissantes masses de sable ; la Seine prit son cours actuel à travers des terrains vagues qu’elle changea bientôt en marécages ; la température devint celle de nos jours ; les animaux actuels restèrent seuls dans nos forêts, dans nos plaines sauvages ; enfin l’homme apparut, ce bouquet de la création, cette image du Créateur, cette créature « peu inférieure aux brillants esprits célestes, » dont l’entrée dans le monde fut si dignement inaugurée par l’histoire de Caïn.

IX

Sauf le déluge, raconté par Moïse et attesté par les traditions de tous les peuples, lequel n’a été qu’un grand accident, ou, comme dit Tertullien, que la lessive du genre humain, la terre n’a plus subi de ces grandes révolutions qui ont changé l’étendue de ses mers et la disposition de ses continents mais ce n’est pas à dire qu’elle n’en subira plus, que le repos dont elle jouit depuis quelques milliers d’années doive être éternel. Le progrès, dont on parle tant, la perfection à laquelle nous tendons, c’est peut-être quelque cataclysme qui fera disparaître notre race. Tous ces terrains dont nous avons vu s’accumuler les dépôts successifs n’ont pas donné à la croûte superficielle de notre planète plus de