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Je crois, pour ma part, bien téméraire de songer à interner les étudiants, lorsque les simples collégiens vont passer leurs journées de congé à cheval dans l’enceinte des courses, où ils offrent à toutes les Coras qu’ils rencontrent des fleurs de rhétorique que leur vend Isabelle la bouquetière. En général, quand il s’agit de réglementer la vie des jeunes gens, on ne tient pas un compte assez sérieux des vœux que la nature émet, à l’instar des conseils municipaux. Quand l’heure a sonné où l’homme sent le besoin de faire quelques dettes, d’aller voir la Belle Hélène et de ne pas rentrer chez lui tous les soirs, il n’y a pas de professeur, s’appelât-il Ortolan, assez persuasif pour le retenir. Le jour où un étudiant sentirait son cœur battre plus fort que de coutume, il prêterait plutôt son uniforme à sa maîtresse pour lui permettre d’entrer dans le dortoir à la faveur de ce déguisement.

Si les étudiants, dont un certain nombre sont électeurs, ont encore besoin d’être soumis au régime de l’internat, il n’y a aucune raison plausible pour qu’on ne crée pas des collèges pour les sous-préfets, pour les députés et même pour les ministres, qui auraient un jour de sortie tous les dimanches, et à qui on retirerait leur portefeuille pendant les récréations, afin qu’ils ne cédassent pas à la tentation d’en faire des lanières pour jouer à Cache-Tampon.

D’ailleurs tous nos hommes d’État, à très-peu d’exceptions près, ont été étudiants. Ils ont courtisé des cafés d’alentour, joué la poule et offert des bouteilles de bière à la beauté. Osent-ils prétendre que ces différents travaux ont nui à leur avancement ou abâtardi leur intelligence ? Évidemment non, ils ne l’osent pas, puisque du plus petit au plus grand ils sont tous convaincus que leur génie n’a d’égal que leur beau caractère. Si nos hommes d’État ont pu arriver au degré extraordinaire de perfection dont parle continuellement le Constitutionnel, à travers les quadrilles de la Chaumière et les demi-tasses du café Voltaire, pourquoi donc supprimerait-on un état de choses qu’on ne saurait trop encourager puisqu’il a produit les nombreux grands hommes dont nous jouissons ?


Le Luxembourg. — La mélancolie s’empare de moi quand je pense que la Pépinière, où j’ai promené mes rêveries d’étudiant, va être prochainement adjugée à la criée comme les vieilles paires de pincettes et les serre-papier en galvanoplastie qui traînent sur les comptoirs de