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parler les animaux, les végétaux, les minéraux ; lui fait parler les choses artificielles, toujours pour corriger doucement les ridicules des humains, témoin son apologue suivant :

LA SONNETTE ET LA PENDULE

En regardant une pendule,
Une sonnette se disait :
« Que mon destin est ridicule !

Je réponds à chacun, dès qu’à chacun il plaît

De venir en cette demeure ;

Vous, du moins, gravement, vous ne dites que l’heure. »

Or, en cet instant, par hasard,
— Il était midi moins un quart, —

La pendule commence un singulier ramage,
Sonnant dix, onze coups, et même davantage.

(On eût pu croire, à l’écouter,

Entendre un député que je pourrais citer.)
La sonnette se dit alors : « Quelle imprudence !
Ne plaignons pas mon sort, si mon sort est plus bas :

Au moins je garde le silence
Quand on ne m’interroge pas ! »

Critique, ce qu’il demande au théâtre, c’est une fable bien tissée, de la gaieté décente et de la satire sans fiel ; c’est lui qui écrit, en rendant compte d’une première représentation :

« On a nommé le coupable (l’auteur) au milieu des applaudissements ; la pièce a été bien jouée par les deux complices, Samson et Régnier. Mlle  Fix a de la jeunesse et de la beauté, ce qui ne gâte rien. »

Une actrice change de théâtre, il l’appelle la jolie transfuge. On annonce une pièce nouvelle, il finit par ce mot menaçant : Nous verrons bien ! A-t-il à parler d’une extravagance en un acte, il l’analyse longuement, en prenant ce ton gaillard dès le début :

« Il faut avouer que Galoubet est un singulier drôle, etc. »

Voilà pour l’enjouement. — Pour le côté sérieux de la critique, car il sait mêler, selon le précepte d’Horace, utile dulci, il excelle à raconter comme quoi le Tartufe se nommait d’abord l’Imposteur. Il raconte que M. de Lamoignon ayant défendu la pièce à la deuxième représentation, Molière s’avança sur la scène, et dit :

« Monsieur le président ne veut pas qu’on le joue. »