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En même temps, notre curiosité est amusée par la variété et la vérité des détails et des accessoires, traités avec amour et finis avec un soin minutieux. Et puis, par sa richesse et sa chaleur le coloris réjouit notre œil, tantôt exalté, par l’éclat d’un damas d’or et par la splendide ardeur d’un rouge avivé par des verts, tantôt doucement caressé par le glacis d’ombre diaphane dont le temps a légèrement voilé les sonorités de brillantes harmonies. Enfin l’exécution nous impose par la probité d’un dessin qui serre la nature de près sans tomber dans la sécheresse, par la sûreté d’une touche à la fois ferme et souple, consciencieuse et savante, par le caractère d’un style dont la tenue est partout évidente et égale. En vérité, c’est un œuvre de maître !

Reste à savoir de quel maître.

Le tableau m’arrivait doté d’une attribution[1] à l’appui de laquelle un examen superficiel aurait pu peut-être invoquer la présence dans plusieurs œuvres de Memlinc d’un des motifs caractéristiques de notre composition : celui du livre feuilleté par l’Enfant[2]. Mais il suffit d’être un peu familier avec l’ancien art néerlandais pour la repousser sans hésitation. Néanmoins, en raison de cette possession d’état, du mirage des noms populaires et surtout de l’analogie matérielle que je viens de signaler, j’insisterai dans ma démonstration sur les faits qui interdisent de penser au peintre de sainte Ursule.

J’eus vite fait de m’apercevoir que ce pseudo-Memling tenait de près à une famille de tableaux, composée, lui compris, de six membres.

Et d’abord je lui découvris une parenté au deuxième ou au troisième degré avec un triptyque du musée de musée de Lille[3] (n° 225 du catalogue) assigné à Gérard David et dont le panneau central est, de son côté, une répétition très fidèle d’un tableau de la collection de lord Crawford, à Londres, et d’un panneau de la galerie du baron Albert Oppenheim, à Cologne[4]. En effet, si le milieu est tout différent

  1. Vers 1865 notre tableau fut soumis à des experts de Paris qui l'attribuèrent à Jean van Eyck (renseignement communiqué par M. Gobert).
  2. Voir reproduction, p. 321.
  3. Reproduit plus haut. Cette peinture provient de la collection du comte de la Béraudière (n° 210 du catalogue de la vente).
  4. Ils figuraient l'un et l'autre à l'Exposition de Bruges (nos 132 et 133 du catalogue) et leurs reproductions ci-jointes me dispensent d'une comparaison