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Grégoire a publié dans les Annales de la Religion[1] la première édition de ses Ruines de Port-Royal. Cet opuscule, écrit à la manière du temps par un mauvais élève de Jean-Jacques Rousseau, fut immédiatement analysé et transcrit en partie par les Nouvelles ecclésiastiques (no du 20 juin 1801) et le Nouvelliste n’accepta pas sans réserves tous les jugements de l’auteur. Il crut même devoir protester contre Grégoire qui, pour faire preuve d’impartialité, disait que les livres de Port-Royal n’étaient pas toujours écrits sous la dictée de la charité, et qui estimait que Saint-Cyran avait été « trop censuré par les uns et beaucoup trop vanté par les autres ». Le compte-rendu analytique finit par cette phrase significative : « Un léger vernis d’impartialité à la mode qu’on peut reprocher à cette production estimable, n’empêchera pas qu’on ne voie dans l’auteur un ami sincère de Port-Royal pleurant sur ses ruines pour en recueillir et en propager l’esprit. »

Propager l’esprit de Port-Royal, c’est ce que cherchaient à faire ses admirateurs et ses disciples et leurs efforts étaient couronnés de succès en France et à l’étranger. Sous le pontificat de Benoît XIV et depuis, les doctrines augustiniennes reprenaient faveur dans toute l’Europe catholique, et notamment en Portugal, en Espagne, en Autriche, en Hongrie et surtout en Italie. En 1774, les éditeurs d’Arnauld, Dupac de Bellegarde et Hautefage, firent entrer de France en Allemagne pour trois millions de bons livres ; Picot va jusqu’à dire qu’il y en eut pour dix millions ; et si l’on compulse les Nouvelles ecclésiastiques de 1789 à 1803, on est tout étonné de voir la vogue prodigieuse dont jouissaient les livres

  1. Numéro de mai 1801 ; tome XIII, p. 49. Publies aussitôt sous forme de brochure, 40 p. in-8o, Les ruines de Port-Royal ne paraissent pas avoir été mises dans le commerce.