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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/125

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disant qu’il avoit donc barboté dans les baquets, le géant l’avoit nié, en répondant qu’il ne savoit seulement pas s’il y avoit ou non de l’eau dans la salle. « Le scélérat ! s’écria mon beau-frère ; c’est lui ! il faut l’interroger nous-mêmes, ensuite je le livrerai à la justice. »

Que l’on réfléchisse à cette aventure. Mon beau-frère héritoit de la superbe terre de Sillery ; elle lui étoit substituée, et un de ses gens empoisonne l’eau dont buvoit le possesseur actuel de cette terre ; et il est certain qu’avec l’âge de M. de Puisieux, et sa frêle santé, si par hasard il n’eût pas été malade ce jour-là, qu’il se fût mis à table, et qu’il eût bu de cette eau, lui qui ne buvoit de vin qu’au dessert, il en seroit mort dans la journée, et mon beau-frère eût été le soir possesseur de Sillery… Eh bien, à la gloire de la manière de penser de ce temps, il n’y eut pas sur mon beau-frère, je ne dis pas un horrible soupçon, mais la plus légère idée qu’il pût être un instant troublé personnellement de l’effet que pourroit produire cette aventure… Il n’y eut pas une mine, pas un mot qui put se rapporter à lui. On n’imagina pas qu’il dût être plus inquiet, plus embarrassé qu’un autre ; il ne