Aller au contenu

Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trois fois, et dans des loges très-éloignées du théâtre. Préville, en effet, possédoit l’art de décomposer sa figure et de contrefaire. Il étoit à peu près de la taille de Rousseau (car tout le monde savoit que J.-J. étoit petit), et réellement M. de Genlis avoit eu le projet qu’on m’avoit confié, mais cette folie lui passa presque aussitôt de la tête. M. de Sauvigny l’oublia de même, et seule j’en gardai le souvenir. Je fus trois semaines sans voir M. de Sauvigny, et au bout de ce temps il vint me dire, avec empressement, en présence de M. de Genlis, que Rousseau désiroit extrêmement m’entendre jouer de la harpe, et que, si je voulois avoir cette complaisance, il me l’amèneroit le lendemain. Me croyant bien certaine que je ne verrois que Préville, j’eus beaucoup de peine à répondre sérieusement ; cependant je me contins assez bien, et j’assurai que je jouerois de la harpe de mon mieux pour J.-J. Rousseau. Le lendemain j’attendis avec impatience l’heure du rendez-vous, imaginant qu’un crispin travesti en philosophe seroit une chose très-comique. J’étois d’une gaieté folle en l’attendant, et M. de Genlis, connoissant ma timidité naturelle, s’en étonnoit beaucoup. D’ailleurs il