Aller au contenu

Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne concevoit pas trop comment l’idée de recevoir un si grave personnage, pouvoit faire cette sorte d’impression, et je lui parus tout-à-fait extravagante, lorsqu’il me vit rire au moment où l’on annonça Rousseau. J’avoue que rien au monde ne m’a paru si plaisant que sa figure, que je ne regardois que comme une mascarade. Son habit, ses bas couleur de marron, sa petite perruque ronde, tout ce costume et son maintien n’offroient à mes yeux que la scène de comédie la mieux jouée et la plus comique. Cependant, faisant sur moi-même un effort prodigieux, je pris une contenance assez convenable ; et, après avoir balbutié deux ou trois mots de politesse, je m’assis. L’on causa, et heureusement pour moi, d’une manière assez gaie. Je gardai le silence, mais de temps en temps j’éclatai de rire, et c’étoit avec tant de naturel et de si bon cœur, que cette surprenante gaieté ne déplut pas à Rousseau. Il dit de jolies choses sur la jeunesse en général. Je pensois que Préville avoit de l’esprit et qu’à sa place Rousseau n’auroit pas été si aimable, parce que mes rires l’auroient scandalisé. Rousseau m’adressa la parole, comme il ne m’embarrassoit pas du tout ; je lui répondis très--